lecture critique, david p. barret et larry n. shyu éds., chinese collaboration with japan, 1932-1945 : the limits of accommodation
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xiaohong xiao-planesperspectives chinoises n° 70, mars-avril 2002, page n°75
le titre de cet ouvrage suscite déjà
lintérêt, dans la mesure où il
traite dun phénomène particulièrement
sensible de lhistoire moderne chinoise : la collaboration
avec loccupant japonais. cest donc un grand
mérite pour les deux éditeurs, david barrett
et larry shyu, davoir rassemblé les communications
présentées, sur ce sujet, lors dun colloque
tenu à vancouver en décembre 1995 et consacré
à la guerre sino-japonaise. comme le rappelle barrett,
lhistoriographie occidentale de cette période
sest avant tout intéressée à
létude du mouvement communiste et, à
un moindre degré, à celle du gouvernement
nationaliste. les régimes de collaboration et la
situation des zones occupées ont été
négligés. cette carence est en partie liée
à laccès difficile aux sources de première
main ; mais les préjugés idéologiques
de nombreux chercheurs dans les années 1960-1970
sont également en cause. on ne doit pas oublier quau
moins 200 millions de chinois ont vécu sous ladministration
directe ou indirecte de loccupant durant des périodes
qui ont pu, dans certains cas, aller jusquà
huit ans. dune région à lautre,
les situations ont considérablement varié,
en fonction des motivations des collaborateurs et des relations
locales avec ladministration militaire japonaise.
fort heureusement, les conditions de recherche
et le comportement des historiens ont beaucoup évolué
depuis le milieu des années 1980. un nombre croissant
darchives sest ouvert et les publications se
sont multipliées en chine. même si les historiens
chinois sont unanimes à qualifier tous les collaborateurs
de traîtres (hanjian), et tous les régimes
de collaboration de « fantoches » (wei),
leurs études ont fourni des informations jusque là
méconnues. david barrett consacre dailleurs
une partie fort bienvenue de son introduction
générale à la question des thèmes,
des sources et de lhistoriographie (« introduction
: occupied china and the limits of accommodation »,
pp. 1-17). ajoutons quen dehors de récentes
publications chinoises, plusieurs auteurs ont également
exploité des sources japonaises. de son côté,
odoric y. k. wou détaille les séries de publications
provinciales et locales communistes, comme celles du henan
: sans perdre de vue la situation densemble du pays,
il attire lattention sur lextrême diversité
des conditions locales dans lesquelles se modulait le comportement
des communistes (« communist sources for localizing
the study of the sino-japanese war », pp. 226-235).
sagissant des acteurs et des formes
de collaboration, des discours de justification, du fonctionnement
des régimes « fantoches », les auteurs
récusent demblée toute approche manichéenne
et moralisante. beaucoup ont mis en relief, par exemple,
les liens existant entre ces phénomènes de
collaboration et la situation socio-politique davant-guerre.
le principal facteur en cause est certainement la division
du pouvoir central et la dislocation politique qui ont affecté
la chine après la chute de lempire. le parcours
de wang jingwei, passé des plus hauts cercles dirigeants
nationalistes aux premiers rôles dans la collaboration,
est à ce titre démonstratif. premier ministre
du kuomintang (kmt) de 1932 à 1935, wang nétait
nullement un politicien pro-japonais, comme lont suggéré
certains historiens : cétait un fervent promoteur
de la ligne dite de « la négociation dans la
résistance » (yimian dikang, yimian jiaoshe)
face à un japon trop puissant et nourri dune
insatiable ambition. approuvée par une partie de
lopinion publique, notamment par des libéraux
réalistes comme hu shi et jiang tingfu, cette politique
buttait sur le fractionnisme des militaires et sur le contrôle
de fait exercé par tchiang kaï-shek sur larmée
gouvernementale. dans ces conditions, il ne restait plus
à wang quà établir avec les envahisseurs
des compromis humiliants et impopulaires. à travers
son « mouvement pacifique » (heping yundong),
wang sattribuait une mission analogue à celle
de li hongzhang sous les qing : son objectif affiché
était déviter lanéantissement
total de la chine et dentretenir, fort de lappui
japonais, une compétition politique avec tchiang
(wang ke-wen, « wang jingwei and the policy origins
of the peace movement, 1932-1937 », pp.
21-37).
une des caractéristiques négatives
majeures du régime nationaliste résidait,
comme chacun sait, dans lexistence de divisions politiques
et militaires profondes entre le pouvoir central et les
régions. cet état de fait nourrissait largement
la tactique et largumentaire japonais des années
1930. létude de marjorie dryburgh retrace,
dans ce cadre, les jeux de trois protagonistes : larmée
du kwantung (kantogun), le gouvernement de
nankin et le général song zheyuan, chargé
de la défense et du maintien de la paix dans la région
hebei-chahaer. originaire de larmée du
nord-ouest de feng yuxiang, song devait sans cesse louvoyer
entre la suspicion de nankin et la pression japonaise. les
circonstances rendirent sa mission pratiquement impossible
et lentraînèrent dans des négociations
secrètes avec loccupant, trop heureux délargir
le fossé existant entre le centre et la région.
(« regional office and the national interest : song
zheyuan in north china, 1933-1937 », pp. 38-55). ce
rapport conflictuel se manifestait aussi à léchelle
sociale, entre létat nationaliste et la société.
à shaoxing, au zhejiang, loccupation japonaise
apparut ainsi aux notables-marchands au moins dans
un premier temps comme une occasion inespérée
de redresser la situation économique locale, durement
frappée par la crise sociale et par la politique
fiscale de nankin, et de revigorer les banques traditionnelles
qui déclinaient sous loffensive des établissements
officiels (r keith schoppa, « patterns and dynamics
of elite collaboration in occupied shaoxing county »,
pp. 156-179).
la réintégration nationale
était particulièrement fragile dans le nord
de la chine. les politiciens des cliques zhixi et
wanxi, écartés par le régime
du kmt, avaient mordu à lappât japonais
à seule fin de renouer avec la vie politique. la
collaboration de certains responsables militaires régionaux
sexpliquait par ailleurs tout simplement par la nécessité
où ils se trouvaient de préserver les troupes
dont dépendait leur propre survie (lo jiu-jung, «
survival as justification for collaboration, 1937-1945 »,
pp. 116-132). dans la sous-préfecture de neihuang,
au henan, loccupation japonaise ne faisait quexacerber
le désordre politique installé depuis la chute
de la dernière dynastie. des luttes fratricides se
déchaînaient entre les bandits, les milices
de la « lance rouge » et les divers éléments
affiliés aux mouvements nationaliste et communiste
(elles devaient dailleurs reprendre immédiatement
après le retrait des occupants dans lété
1945). en fait, les chinois y ont tué ou blessé
davantage de compatriotes que dennemis japonais, dans
des conditions générales finalement favorables
à limplantation communiste. peter j. seybolt
na sans doute pas tort de soulever cette page embarrassante
et occultée de lhistoire chinoise sous loccupation.
mais on peut émettre quelques réserves sur
son approche trop systématiquement mathématique,
qui semble évaluer sur un même plan rigide
les tueries aveugles commises par les bandits ou les groupes
de la « lance rouge » dune part, et les
combats menés contre loccupant et les troupes
de la collaboration dautre part (« the war within
a war : a case study of a county on the north china plain
», pp. 201-225).
en position dextrême faiblesse
face à lennemi japonais, les dirigeants chinois
se révélèrent pourtant comme des négociateurs
aussi habiles que leurs prédécesseurs sous
les qing. tout au long du conflit, chongqing et tokyo vont
en tout cas poursuivre des pourparlers de paix, utilisant
pour ce faire les intermédiaires les plus divers.
mais il ne sagissait plus, comme sous les mandchous,
« dutiliser certains barbares pour contrôler
dautres barbares ». il nétait pas
question, non plus, daccepter des marchandages sur
le compte des intérêts chinois, comme la
longtemps prétendu lhistoriographie communiste
: tchiang kaï-shek na jamais voulu céder
sur les principes de lintégrité territoriale
et de la souveraineté nationale chinoises. mais si
chongqing fit si longtemps lanterner un gouvernement nippon
impatient de terminer la guerre en chine, cest essentiellement
pour affaiblir le soutien japonais au régime de wang
jingwei et, le cas échéant, pour obtenir des
aides américaines et britanniques. (huang meizhen
et yang hanqing, « nationalist chinas negociating
position during the stalemate, 1938-1945 », pp. 56-76).
à lopposé de limage stéréotypée
de collaborateurs vils, impuissants et paralysés
devant toute initiative gouvernementale, timothy brook montre
que les chefs des régimes collaborateurs parvinrent
eux-mêmes à saménager un espace
dintervention en exploitant les rivalités apparues
entre les deux forces expéditionnaires japonaises
du nord et du sud de la chine. fondé à nankin
en 1938, le gouvernement de réforme de liang hongzhi
nétait pas une simple création des occupants,
mais « plutôt le résultat négocié
entre divers intérêts chinois et japonais à
travers un processus de dialogue dont lissue était
tout à fait incertaine » (p. 84). les négociations
et les pressions entrecroisées finirent par fracturer
le contrôle de tokyo (« the creation of the
reformed government in central china, 1938 », pp.
79-101).
les historiens du régime français
de vichy ont élaboré une distinction entre
la « collaboration » et le « collaborationnisme
», entendant, par ce dernier terme, lengagement
et lidentification idéologique avec le nazisme
allemand. ce concept paraît difficilement applicable
au cas chinois (barrett p. 8). certes, en manipulant les
idées de sun yat-sen sur le panasianisme, wang jingwei
sefforça de combiner le nationalisme chinois
avec la théorie japonaise de la grande asie orientale.
mais son effort produisit peu deffets, aux plans théorique
et quotidien, compte tenu de la présence de 800 000
à 1 000 000 de soldats japonais au sud de la grande
muraille. david barrett relève finalement plus de
convergences que de divergences entre les régimes
de wang jiangwei et de tchiang : orthodoxie idéologique,
dominance du fractionnisme, promotion du culte personnel,
tendances moralistes et conservatrices, campagne militaire
anti-communiste, rétablissement du système
des baojia, etc. un seul point majeur, il
est vrai séparait les deux rivaux : wang jingwei
acceptait les revendications japonaises que tchiang avait
toujours refusées. pour lauteur («the
the wang jingwei regime, 1940-1945 : continuities and disjunctures
with nationalist china », pp. 102-115), ces divergences
perdaient de leur sens à mesure que se profilait
la défaite japonaise. mais on peut objecter que le
culte de la pleine souveraineté chinoise, profondément
ancré dans les masses, na jamais cessé
pour celles-ci dêtre essentiel. comme tchiang,
le parti communiste chinois, véritable vainqueur
de la guerre sino-japonaise, ne sest dailleurs
jamais départi de sa promotion.
a linstar de wang jingwei, beaucoup
de politiciens de la collaboration ont cherché une
justification rétrospective dans leur souci déclaré
de préserver la survie et les intérêts
de la nation chinoise. on a vu plus haut que leurs véritables
motivations, quand elles nétaient pas purement
opportunistes, étaient souvent moins nobles. sur
le plan régional, la plupart des dirigeants administratifs
et militaires du kmt sétaient enfuis avant
larrivée des japonais, abandonnant purement
et simplement la population ordinaire aux envahisseurs,
et ce sont souvent les notables-marchands des chambres de
commerce qui se retrouvèrent en première ligne
face à loccupant. a zhengzhou (lo jiu-jung)
comme à shaoxing (schoppa), tombés tous les
deux en 1941, ces élites acceptèrent de collaborer
en vue de ramener lordre et la stabilité nécessaires
à la préservation des intérêts
de tous, ceux de la communauté locale et les leurs
propres. il y eut aussi quelques déclassés
pour sincorporer dans la milice de collaboration comme
hommes de main (goutuizi) sans vergogne. dans tous
les cas, létat nationaliste a gravement failli
à ses missions par son imprévoyance et ses
éclatantes carences. il en a retiré une image
dautant moins flatteuse que ses responsables ont souvent
moins pâti de la justice de laprès-guerre
que les « collaborateurs » involontaires ou
peu conscients, abandonnés sans directive précise
à lapproche de lennemi.
le sort de shanghai sous loccupation
a déjà fait lobjet de plusieurs ouvrages
importants (1). le terrain y fut propice à toutes
sortes dintrigues, darrangements, de résistance
ou de collaboration. dans le présent livre, parks
coble confronte la politique économique nippone et
la réaction des capitalistes shanghaïens («
japans new order and the shanghai capitalists : conflict
and collaboration, 1937-1945 », pp. 135-155).tout
en criant fort pour promouvoir une « zone de co-prospérité
dans la grande asie orientale », le japon se soucia
avant tout de semparer des biens et des ressources,
de contrôler les prix et les entreprises chinoises
pour satisfaire ses besoins militaires et ses objectifs
impérialistes. les capitalistes autochtones qui ont
accepté de collaborer pour préserver ou récupérer
leurs usines, ou pour partager laccès aux matières
premières, tombèrent rapidement dans la désillusion.
un secteur très particulier a cependant connu la
prospérité : celui des cinéastes shanghaïens,
qui utilisèrent un cadre institutionnalisé
de coopération sino-japonaise pour produire une quantité
importante de films aux thèmes romantiques ou fantastiques,
répondant ainsi au désir bien compréhensible
de la population déchapper à la sombre
ambiance quotidienne de loccupation. poshek fu voit
dans laction du producteur zhang shankun, principal
intervenant de ce genre dentreprises, une sorte de
« collaboration passive » et de «résistance
indirecte ». en effet, zhang sefforça
détendre son empire cinématographique
tout en assurant des moyens matériels de survie à
une équipe de 1 300 personnes. pour éviter
dêtre compromis, il se procura laval de
chongqing et sabstint de transmettre, par ses films,
les messages politiques et culturels de loccupant.
le cinéma shanghaien démontre quil est
impossible dappliquer des formules toute faites aux
expériences de collaboration : la résistance
pouvait exister dans celle-ci, la collaboration dans celle-là,
et les deux sentremêler ailleurs (« resistance
in collaboration : chinese cinema in occupied shanghai,
1941-1945 », pp. 180-198).
cet ouvrage collectif renferme donc une
grande richesse déléments utiles à
notre connaissance et à notre compréhension
de lépoque. on regrettera en passant que les
éditeurs omettent détablir un index
en caractères chinois des noms propres et des principaux
termes concernés. la réduction ou lomission
de ces transcriptions, pourtant précieuses pour le
chercheur, semblent obéir à une tendance générale
outre-atlantique ; alors que le développement de
linformatique a rendu leur affichage beaucoup plus
facile quil y a dix ou vingt ans.
1. cf. poshek fu, passivity,
resistance, and collaboration : intellectual choices in occupied
shanghai, 1937-1945, stanford, stanford university press,
1993 ; frederic wakeman, the shanghai badlands : wartime
terrorism and urban crime, 1937-1941, cambridge, cambridge
university press, 1996 ; wen-hsin yeh ed.: wartime shanghai,
londres & new york, routledge, 1998.
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